Pas de pause pour les transactions immobilières, mais les visites déconseillées

Les appels à une « pause » du Québec pour des services jugés non essentiels ne concernent finalement pas l’ensemble de la chaîne immobilière. Déménageurs et notaires peuvent continuer leurs activités, et les visites des logements, certes déconseillées, ne sont pas interdites.

 

Romain Schué

 

Depuis lundi après-midi, confusion, angoisse et détresse se multiplient au sein des acheteurs, vendeurs, locataires et courtiers immobiliers.

 

De nombreux témoignages reçus par Radio-Canada évoquent cette incertitude concernant un changement de logement dans les prochains jours ou semaines, un engagement financier déjà pris ou une signature à venir.

Durant les trois prochaines semaines, seules des activités jugées prioritaires, définies par le gouvernement Legault, peuvent continuer de se tenir physiquement. Dans cette liste, on ne retrouve pas, pour le moment, les courtiers immobiliers. En revanche, les déménageurs y figurent, tout comme, finalement, les notaires.

Mardi après-midi, François Legault a signifié que ces derniers ne faisaient pas partie des services essentiels actuellement, mais le cabinet de la ministre de la Justice a indiqué l’inverse quelques minutes plus tard.

Cette mise à jour va donc permettre de finaliser des transactions et dissiper la crainte pour certains de se retrouver à la rue, avec l’obligation de laisser les clefs de son logement, sans avoir pu conclure l’achat d’un futur bien.

Imaginez l’angoisse que ça générait pour des personnes qui devaient changer de logement. Les notaires pourront terminer les dossiers en cours, assure François Bibeau, président de la Chambre des notaires, tout en évoquant une confusion autour de cet enjeu.

Des signatures électroniques réclamées

Actuellement, la loi oblige les notaires à recevoir, en personne, leurs clients pour finaliser une transaction. La profession s’est ajustée, face à cette pandémie, en limitant les contacts et en demandant aux acheteurs et vendeurs de se présenter séparément, sans la présence des courtiers. Pour limiter les risques, la Chambre des notaires propose au gouvernement de modifier la législation actuelle pour « permettre la clôture d’acte notarié à distance ». « On a émis plusieurs solutions et hypothèses au ministère [de la Justice]. C’est en analyse. On veut protéger le public et les notaires », détaille François Bibeau.

 

Visites permises, mais fortement déconseillées

Si les transactions peuvent se conclure avec les notaires, les visites, quant à elles, doivent cesser, a clamé mardi le premier ministre Legault.

Pour les trois prochaines semaines, SVP, pas de visites de logements.

François Legault, premier ministre du Québec

Ces visites, cependant, ne sont pas interdites. Lundi soir, l’attachée de presse de la ministre de l’Habitation et des Affaires municipales avait précisé à Radio-Canada que celles-ci « continuent dans l’observation la plus rigoureuse des consignes de la santé publique ».

Il y a des lois qui permettent aux propriétaires de pouvoir faire visiter leur logement, mais là, je demande à ces propriétaires de ne pas faire exprès, a précisé François Legault.

Les propriétaires qui voudront néanmoins passer outre à cette directive ne pourront pas compter sur la collaboration des courtiers immobiliers.

Les courtiers ne peuvent plus être en contact physique avec leurs clients, collègues et collaborateurs, précise Marie-Ève Bellemare-Tessier, de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Certains agents, contactés par Radio-Canada, ont indiqué avoir volontairement cessé par eux-mêmes leurs activités ces derniers jours. L’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec avait par ailleurs décidé de stopper dès lundi toutes les visites libres et ce, jusqu’à nouvel ordre.

L’OACIQ souligne cependant que les courtiers peuvent travailler à distance, par le biais de signatures électroniques, pour « continuer le suivi des contrats et promesses d’achat en cours ».

 

Inquiétude parmi les locataires

 

Parmi les locataires qui doivent changer de logement d’ici le début de l’été, l’incertitude reste vive. Des citoyens ont écrit à Radio-Canada pour faire part de leur appréhension de voir des personnes entrer chez eux.

Si le discours du premier ministre Legault a rassuré le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLAQ), ce dernier demeure néanmoins perplexe.

« La directive n’est pas claire », juge Marjolaine Deneault, porte-parole de l’organisme, qui craint que les locataires soient vus comme « une classe à part ».

On espère que le bon sens sera entendu par les propriétaires, ajoute-t-elle.

L’une des solutions, selon le RCLAQ, serait d’allonger d’au moins un mois la durée des baux pour éviter une course aux logements durant cette pandémie. Cette idée est vue d’un bon œil par le député de Québec solidaire, Andrés Fontecilla.

C’est une option à envisager, avance le député de Laurier-Dorion, alors que François Legault a déjà affirmé avoir conscience « du problème ».

Il faut suspendre les visites pour éviter les risques et, si on les suspend, ça va retarder la période des déménagements. Il faudra réfléchir au prolongement des baux.

Andrés Fontecilla, député de Québec solidaire

Les courtiers immobiliers préconisent quant à eux des visites virtuelles. Il faut qu’on change notre méthode d’agir, insiste Raymond Larivière, patron du groupe du même nom. Il faut que l’on inclue des vidéos, en plus des photos, pour permettre aux gens de voir un logement.

La technologie est là, confirme François Laprade, qui dirige un bureau de Royal LePage. On le fait déjà avec des Chinois, par exemple. C’est une alternative qui peut éviter les va-et-vient.

Quelles incidences sur le marché immobilier?

Ces derniers mois, le nombre de biens disponibles était en baisse constante dans la région de Montréal, alors que les prix, eux, n’ont cessé d’augmenter. Les situations d’offres multiples, créant une vive surenchère, étaient monnaie courante. Cette pandémie aura-t-elle une incidence sur ce marché immobilier? « C’est sûr que les ventes vont chuter drastiquement », avance Joanie Fontaine, économiste de la firme JLR. Selon cette dernière, en raison des taux d’intérêt « très bas », le marché pourrait retrouver de la vigueur dans plusieurs mois. Mais tout va dépendre, ajoute-t-elle, de la durée de cette crise. « Il y a des personnes qui voulaient acheter, mais qui ont perdu leur emploi, qui ont une baisse de revenus. C’est difficile à analyser », dit-elle.

 

Déménagements autorisés

Par ailleurs, il est toujours possible de faire appel à des déménageurs dans les prochaines semaines, qui bénéficient d’une exemption. Cependant, assure le RCLAQ, « des compagnies décident d’annuler des contrats ».

D’autres, comme le Clan Panneton et Intact Déménagement, ont décidé de poursuivre leurs activités.

Pour respecter les consignes de précaution, il n’y a que deux personnes dans un camion et une autre qui les suit dans une voiture, explique Olivier Bérubé, conseiller chez Intact Déménagement.

Notre travail est important, précise-t-il. Si on ne peut pas travailler, comme les notaires, on ne pourrait pas permettre à des gens de prendre possession ou de libérer un logement.

 

Source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1685315/immobilier-coronavirus-immobilier-logements-maisons-condos-quebec

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