Visites en personne annulées, ralentissement des transactions sur le marché montréalais, vendeurs et acquéreurs dans l’expectative : si certains acheteurs espèrent que la crise de la COVID-19 pourrait mettre un frein à la fièvre des prix de l’immobilier dans la métropole et ses alentours, ils devraient calmer leurs ardeurs. Une baisse des prix s’avère peu probable, surtout si la crise se résorbe rapidement, croient les professionnels du milieu.
Même si les experts et les courtiers avouent ne pas savoir précisément de quoi demain sera fait, ils ne s’attendent pas à voir les prix du résidentiel pâtir de la crise actuelle, particulièrement à Montréal.
« L’immobilier, c’est un gros paquebot. Ce n’est pas comme la Bourse, ça prend beaucoup de temps avant de virer. Il va y avoir un ralentissement de la croissance du secteur immobilier, mais je ne crois pas que les prix vont diminuer. Ça va peut-être un peu plafonner ou moins s’enflammer, mais il va continuer à avoir des acheteurs », estime Yannick Sarrazin, courtier RE\MAX prépondérant dans le secteur du Plateau-Mont-Royal. Après avoir constaté une surchauffe du marché l’an passé et en début d’année, il remarque que, même si les acheteurs aspirent à se retrouver dans des situations moins concurrentielles, « personne ne lance de low ball », les offres déposées restant élevées pour s’assurer de leur acceptation. Du côté des vendeurs, la grande majorité des clients de M. Sarrazin s’avèrent confiants.
Un sentiment partagé par Claude Savard, professeur à HEC Montréal, qui ne prévoit pas d’impact majeur de la crise sur le marché résidentiel. « Il y aura peut-être un petit impact au niveau des condos dans certains secteurs, car il y avait un surplus de condos sur le marché dans la région de Québec », indique-t-il, précisant que les multilogements pourraient aussi être touchés, leur situation étant liée aux revenus et aux taux de mauvaises créances.
Pour l’instant, les chiffres confortent cette solidité, l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec ayant publié cette semaine les statistiques du marché pour le mois de mars. Après deux premières semaines d’activité record, un ralentissement s’est certes fait sentir dans la deuxième moitié de la période ; mais en ce qui a trait aux prix, on a enregistré une forte ascension pour Montréal et sa région, avec des augmentations du prix médian des maisons unifamiliales, des copropriétés et des plex, respectivement de 10 %, 16 % et 22 %.
La firme immobilière Royal LePage note également cette hausse, mais conditionne la stabilité des prix à la durée de la crise sanitaire. Dans une étude publiée mardi, elle prévoit une légère baisse sur le marché montréalais, de l’ordre de 0,5 % d’ici fin 2020, si l’activité économique reprend d’ici la fin du printemps. En revanche, si le moteur économique reste en panne jusqu’à la fin de l’été, le cabinet prévoit un déclin pouvant aller jusqu’à 3,5 %.
Du côté de Marie-Christine Tremblay, courtière chez Via Capitale, en ce moment, c’est le calme plat : les visites sont en suspens ou se font virtuellement, avec des promesses d’achat conditionnelles à une inspection physique des lieux, une fois la pandémie passée. Mais ce répit annonce peut-être la reprise de la tempête transactionnelle.
« C’EST COMME SI J’ÉTAIS EN TRAIN DE RETENIR DES CHEVAUX, ILS ONT JUSTE HÂTE QUE ÇA REPARTE POUR RECOMMENCER À VISITER. »
— Marie-Christine Tremblay, courtière chez Via Capitale
Mme Tremblay s’attend à voir peu d’effets sur les prix si la crise sanitaire se règle rapidement. Mais si cette dernière s’étire jusqu’en septembre, l’avenir semble beaucoup moins clair.
Serait-ce un bon moment pour lancer des offres d’achat en espérant voir moins de concurrents au portillon ? Cela dépend du profil de l’acheteur, estime Mme Tremblay. « J’ai un client qui a fait une vingtaine de visites, qui sait exactement ce qu’il veut, et pour qui ce n’est pas un premier achat. Dans son cas, on fait une offre assortie d’une visite physique conditionnelle à sa satisfaction. Mais pour un premier achat, je ne leur suggère pas de le faire, et plutôt d’attendre, pour qu’on puisse les accompagner et les aider à trouver ce qu’ils veulent exactement », expose la courtière.
D’autres facteurs rendent toutefois la situation propice à l’achat, selon Claude Savard : « Je considère que dans le résidentiel, c’est une bonne période pour acheter, puisqu’on a des taux d’intérêt très bas et très stables, et que le marché montréalais ne présente pas de bulle comme c’est le cas à Toronto ou à Vancouver », rappelle-t-il.
Et pour les vendeurs ? Certains clients de Mme Tremblay attendent avant de se jeter à l’eau. « Je ne crois pas qu’ils auront la meilleure offre présentement, prévient-elle. Je leur conseille de profiter de ce temps-là pour faire du staging ou pour des réparations. »
Là encore, différents cas se présentent : un vendeur ayant déjà acquis une autre propriété pourrait devoir afficher son bien avec un prix adouci.
« L’immobilier s’est toujours maintenu à travers les crises, fait remarquer Yannick Sarrazin. Dès que ça va repartir, ça va certainement reprendre comme c’était », conclut-il.
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