Des données préliminaires du marché de la revente en juin font craindre un décrochage du marché de la revente de condos au centre-ville de Montréal. Dans tous les cas, le secteur va à contresens de ce qui est observé ailleurs au Québec.
Le nombre de reventes de copropriétés dans l’île de Montréal a stagné en juin 2020 comparativement au même mois en 2019. Surtout, le nombre de propriétés à vendre a bondi avec 1707 nouvelles inscriptions, une hausse de 83 % en un mois, du jamais vu.
« Jamais le marché de l’île de Montréal n’a enregistré autant de nouvelles inscriptions de copropriétés en juin – et de loin – depuis que le système Centris compile les données de marché de la revente [2000] », souligne Charles Brant, directeur analyse de marché pour l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
Le nombre de 1707 nouvelles inscriptions vaut pour l’ensemble de l’île de Montréal. Au dire de M. Brant, toutefois, le gros des inscriptions se concentre au centre-ville et dans Griffintown dans les appartements de petite taille.
Dans certains quartiers montréalais, le niveau de ventes est tombé de 50 % par rapport à l’année dernière, indique l’APCIQ.
Néanmoins, les prix sont en hausse, pour l’instant.
Tempête parfaite au centre-ville
Le centre-ville de Montréal affronte une tempête parfaite : pas d’étudiants, pas de travailleurs, pas de touristes ni de festivals. L’immobilier ne peut pas être déconnecté de la réalité bien longtemps. Le Quartier des affaires est moins attrayant pour y vivre qu’il pouvait l’être l’an passé. « Il y a de la logique », convient M. Brant, dans un entretien.
Le condo à Montréal fait bande à part. Ailleurs au Québec, les transactions s’accélèrent par rapport à juin 2019 et le nombre de propriétés à vendre continue de reculer.
C’est également le cas de la maison unifamiliale dans la région montréalaise. Le nombre de transactions de maisons dans l’île de Montréal a augmenté de 10 % le mois dernier par rapport à juin 2019, dit M. Brant.
« Contrairement aux autres catégories de propriétés, la dynamique du marché de la copropriété semble donc prendre une tournure différente de celle observée avant l’avènement de la crise sanitaire, fin mars », a écrit l’APCIQ dans un communiqué le 30 juin.
Jugeant le phénomène suffisamment sérieux, l’organisme regroupant les chambres immobilières au Québec a jugé bon d’alerter le marché par communiqué le 30 juin sans attendre la divulgation des statistiques officielles de la revente, un geste inusité.
Invité à commenter la nouvelle, l’analyste du marché de Montréal de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, Francis Cortellino, préfère attendre de voir les chiffres officiels avant d’affirmer quoi que ce soit. Ceux-ci seront disponibles au début de la semaine prochaine.
S’il devait se confirmer, le desserrement du marché du condo à Montréal constituerait un revirement spectaculaire de tendance.
Au premier trimestre 2020, le marché du condo était le segment de marché le plus favorable aux vendeurs de toute la région métropolitaine de Montréal, avec moins de quatre vendeurs par acheteur.
Un marché est considéré comme en équilibre, c’est-à-dire qu’il ne favorise ni les vendeurs ni les acheteurs, quand il y a entre huit et dix vendeurs par acheteur.
« Les ventes de neuf se portent bien »
Un changement soudain dans les conditions de marché du condo existant se répercuterait forcément sur le marché du neuf, ce qu’on ne perçoit pas pour le moment, assure Elian Sanchez, président d’Agence Six, agence spécialisée dans la commercialisation de nouveaux condos.
« Les ventes de neuf se portent bien au centre-ville comme ailleurs dans la région, soutient le courtier responsable des ventes du Solstice, de QMD Ménard, rue de la Montagne près du Centre Bell et d’une quinzaine d’autres ensembles répartis dans la RMR. La preuve, dit-il, c’est qu’on ne voit pas de promotions pour écouler les unités invendues. »
M. Sanchez n’exclut toutefois pas que les mises en chantier de condos se fassent plus rares dans les prochains mois, ne serait-ce qu’en raison des retards que le confinement a occasionnés dans le lancement de nouveaux projets.
Des condos Airbnb inoccupés
Selon l’APCIQ, ce sont probablement les propriétaires de condos acquis à des fins d’investissement et destinés à la location à court terme qui se retrouvent sur la marché, faute de clients. « Ce sont probablement les propriétaires qui n’ont pas les reins solides qui bougent les premiers », avance M. Brant.
Montréal, ville festive et étudiante, est un naturel de la location à court terme. Un rapport commandé par Airbnb chiffrait à 13 000 le nombre d’hôtes à Montréal et à 2,6 millions le nombre de nuitées en 2017.
En raison de la popularité des copropriétés offertes en location à court ou à long terme, le marché du condo au centre-ville de Montréal est devenu dans les dernières années un marché d’investisseurs, phénomène qui explique la poussée de tours de condos de 40 étages et plus autour du Centre Bell, notamment.
Malheureusement, en 2020, la ville n’a pas le cœur à la fête. Le Cirque du Soleil, symbole de sa créativité et de sa joie de vivre, est en restructuration financière. C’est tout dire.
Selon AirDNA, site internet qui pratique le moissonnage du web pour compiler des données sur les plateformes de location, le taux d’occupation, les revenus et les tarifs des hôtes montréalais n’ont de cesse de glisser depuis août dernier. Le nombre de propriétés offertes en location à court terme serait passé sous la barre des 10 000 en juin.